Le marketing politique : une pratique de lobbying de plus en plus utilisée dans les affaires européennes (05/12/2023) – version française
Une tendance croissante que j’ai pu observer à Bruxelles au cours des dernières années est l’usage accru des techniques de marketing par les différentes parties prenantes, aussi bien de l’industrie que des ONG, pour véhiculer des messages politiques et convaincre les législateurs européens.
Ces publicités politiques sont stratégiquement placées dans les stations de métro proches des institutions européennes (Schuman, Arts-Loi, Trône) ou dans les organes de presse lus par les décideurs européens (Financial Times, The Economist, Politico). J’ai également constaté que les grandes entreprises (en particulier les grandes entreprises tech) recrutent de plus en plus d’experts en marketing politique au sein de leur équipe affaires publiques. Cela suggèrerait que l’arène politique moderne est devenue un nouveau type de marché où l’offre d’idées politiques (c’est-à-dire les professionnels des affaires publiques) rencontre la demande d’idées politiques (c’est-à-dire les décideurs politiques).
De toute évidence, le marketing politique gagne du terrain dans les affaires européennes. Les lobbys davantage recours à des tactiques de marketing pour communiquer leur position aux décideurs européens sur des sujets politiques ou encore des dossiers législatifs. Mais le rôle croissant du marketing en tant que moyen de communication dans les politiques publiques change fondamentalement notre approche du lobbying. Tout d’abord, cela rend la pratique du lobbying plus transparente, car on utilise l’espace public pour faire passer des messages institutionnels où les citoyens en sont les témoins. Cela signifierait que l’ancienne méthode du lobbying qui consistait à chuchoter des recommandations politiques à l’oreille des décideurs tout en restant inaperçu du grand public, n’est plus vraiment d’actualité.
Par ailleurs, tant les ONG que les multinationales semblent avoir compris qu’avoir recours au marketing politique leur permet de faire d’une pierre deux coups, puisque cela leur permet de sensibiliser le grand public et de formuler des messages politiques sur des questions cruciales tout en promouvant leur marque et renforçant leur image. Si cette pratique est plus transparente, elle est également plus coûteuse. L’affichage de publicités politiques dans le métro et dans la presse augmente considérablement les budgets dédiés à ces campagnes. Cela soulève également la question de l’accessibilité financière et de l’équité, car seules les grandes organisations disposant d’un budget marketing important sont en mesure de recourir à ces techniques de lobbying.
Une autre observation intéressante est le passage de l’espace numérique à l’espace physique. De nombreux acteurs européens semblent avoir abandonné la publicité sur X (anciennement Twitter) depuis le rachat par Elon Musk et choisissent des plateformes plus traditionnelles pour communiquer leurs messages institutionnels. Cela a été confirmé par les médias qui montrent que Twitter a perdu d’importants revenus publicitaires depuis son acquisition par Elon Musk en octobre 2022. Si les réseaux sociaux se sont révélés être un excellent outil de diffusion de l’information, ils ont également montré qu’ils étaient moins fiables.
Alors que l’intersection entre la politique et le marketing continue d’évoluer, il est important d’étudier les implications éthiques de ces pratiques. Si le lobbying joue un rôle essentiel dans le processus démocratique, l’utilisation responsable du marketing politique dans ce contexte est cruciale pour garantir la transparence, l’équité et la préservation des idéaux démocratiques qui sous-tendent notre système politique.
Si l’utilisation du marketing dans le domaine du lobbying peut être un outil extrêmement puissant, des problèmes éthiques se posent également. Le risque d’influence illégitime, la déformation du discours public et l’inégalité d’accès aux décideurs figurent parmi ces questions éthiques associés au lobbying. Parvenir à un équilibre entre la défense d’intérêts et le maintien de l’intégrité du processus démocratique reste un défi permanent.