I. — La naissance du lobbying et du plaidoyer : deux destinées originelles bien différentes
Entrés dans le langage courant des arcanes du pouvoir, et de la presse, « lobbying » et « plaidoyer » sont aujourd’hui employés intuitivement. Pourtant, il n’existe pas de définitions consensuelles de l’un et de l’autre. Plus encore, tous ceux qui se revendiquent lobbyistes n’ont pas la même définition de leur profession et réciproquement pour les plaideurs. Mais si fréquent soit leur usage, l’origine de ces concepts est relativement ancienne. De quelques décennies à quelques siècles, « lobbyistes » et « plaideurs » sont loin d’être un produit social récent. Au fil du temps, l’approche conceptuelle de ces termes a muté pour prendre le sens que nous chercherons à objectiver par cette étude. Nous proposons ainsi de reprendre le fil de l’histoire, à travers une triple approche historique (A), constructiviste (B) et juridique (C) — afin de puiser dans l’ADN des concepts de « lobbyiste » et de « plaideur » les enseignements susceptibles de nous éclairer sur leur sens et leur portée contemporaine.
A. — Une convergence historique progressive tout au long du XXe siècle
L’histoire du lobbying et de l’advocacy a en commun ses origines anglo-saxonnes. Cela étant, il s’agit bien de deux temporalités distinctes, (1) le lobbying prenant ses sources en Angleterre au début de l’époque contemporaine (début du XIXe siècle) tandis que (2) le plaidoyer (advocacy) plus récent, est apparu essentiellement dans l’après-guerre aux États-Unis. Pour ces deux trajectoires historiques, (3) le point de rencontre se situe au tournant des années 2010-2020, particulièrement en France et au niveau des institutions européennes.
1. — « Lobbying » : des origines anglo-saxonnes à la tradition de défiance en France, en passant par la normalisation légitimatrice pour Bruxelles
L’historiographie répandue du « lobbying » fixe les origines du lobbying au début du XIXe siècle avec deux berceaux : le Royaume-Uni et les États-Unis. Le cas américain est particulièrement intéressant. Promulguée en 1787, la Constitution des États-Unis (avec son célèbre incipit « We the People ») sera l’objet de nombreux débats entre fédéralistes et républicains. C’est dans le cadre de ces discussions entre les tenants d’un gouvernement central fort et les partisans d’États fédérés fortement autonomes qu’a émergé la conception américaine moderne des relations entre les gouvernés et les gouvernants.
Parmi les écrits fondateurs, les Federalist Papers de James Madison (quatrième président des États-Unis) promeuvent un gouvernement fédéral qui a « une action directe sur la personne des citoyens. Il ne doit pas avoir besoin de législations intermédiaires. »[1] Plus encore, les Pères fondateurs à l’origine du Fédéralisme nous livrent la conviction que « le gouvernement de l’Union doit, comme celui de chaque État, être en mesure de correspondre directement avec les espérances et les craintes des individus. »[2] Aux origines du système politique américain se trouve l’attachement au double principe de la démocratie représentative et du lien direct entre le gouvernement[3] et les citoyens. Un contexte par essence plus accueillant pour la défense individuelle d’intérêts et de causes particuliers.
En France, ce type d’activités ne bénéficie pas du même blanc-seing. Le Club Jean Moulin écrira en 1961 que le Parlement était « « colonisé » par les intérêts particuliers, ses commissions étant les « façades institutionnelles des groupes de pression » ».[4] La persistance de l’expression « groupe de pression » tout au long du XXe siècle n’a vraisemblablement pas contribué à esquisser une image laudative. L’anglicisme lobbying apparaîtra dans la langue française assez tardivement, à la fin des années 1990, à l’époque où la profession s’institutionnalise, notamment avec la fondation de l’Association française des conseils en lobbying (AFCL)[5], en 1991, sous l’impulsion de Paul Boury (Boury, Tallon & Associés), Olivier Le Picard (Communication & Institutions), Thierry Lefébure (Entreprises & Médias) et Florence Maisel (Interel).
S’il n’existe pas de définition absolue et consensuelle, nous proposons de reprendre celle de Jean-François Kerléo selon qui le lobbying représente : « [des] activités de groupes de pression présents dans les couloirs des assemblées (les lobbies) afin d’influencer le vote des parlementaires. »[6] Néanmoins cette définition n’est pas satisfaisante en ce qu’elle ne met l’emphase que sur les relations parlementaires — et écarte de facto les activités à destination des ministères (ministres, cabinets, administrations centrales) et des décideurs locaux (élus locaux, services déconcentrés et décentralisés). Toutefois, son intérêt est qu’elle retient le concept « d’influence » que nous retrouvons par ailleurs dans la législation et la réglementation françaises.[7]
Si en France la perception du lobbying souffre de préjugés négatifs, il n’en va pas de même au niveau européen. Le lobbying serait devenu pour la construction européenne un levier de légitimation de ses activités régulatrices[8]. Alors que traditionnellement, le schéma des relations institutionnelles est bottom-up, les lobbyistes représentants des intérêts auprès de l’État, le contexte européen a adopté une approche top-down : c’est l’Union européenne qui sollicite les acteurs non institutionnels (entreprises, fédérations, …) et non gouvernementaux (ONG, associatifs et collectifs, …).[9]
Désormais, le lobbying constitue une somme d’activités régulées[10], aux niveaux français, d‘une part, avec le titre II de la loi dite « Sapin 2 » reconnaissant légalement la « représentation d’intérêts »[11] et européen, d’autre part, avec le registre commun entre la Commission européenne et le Parlement européen. Ce registre de transparence, qui a fortement inspiré l’adoption du répertoire commun des représentants d’intérêts en France, est administré par le Parlement européen et la Commission européenne[12], et non par une autorité indépendante comme c’est le cas en France, au Royaume- Uni ou encore au Canada.
La Chambre des Communes du Royaume-Uni s’est elle aussi dotée d’un registre en 2015, plus restreint, en prenant seulement en compte les « consultants lobbyistes » qui ont l’obligation de s’enregistrer avant d’entrer en communication avec un responsable public. En Allemagne, du côté du Bundestag, ce registre est d’abord un annuaire. Les déclarants doivent seulement renseigner leur identité et celle de leurs clients. Comme le souligne Baptiste Javary dans sa thèse sur la déontologie parlementaire[13], aucune autre obligation déclarative ne leur est imposée. Ils doivent indiquer s’ils souscrivent à un code de conduite spécifique à la profession et la source de ce code. Le registre britannique n’inclut pas de données sur les activités de représentation menées.
La seule similitude avec les dispositifs français et surtout canadien, réside dans le contrôle qui est confié à une personnalité indépendante, le « Registar of consultant lobbyists » dont l’unique tâche est d’administrer le registre. Dès lors, ces registres « de transparence » institués à l’échelon européen, en France et dans d’autres pays du monde n’auront pas été sans conséquence sur le rôle explicite et officieux des lobbyistes »[14].
2. — De l’advocacy au plaidoyer, des années 1950 à nos jours
L’histoire du concept de « plaidoyer » commence plus récemment, aux États-Unis durant l’après-guerre, au tournant des années 1940-1950. Il caractérise principalement les activités et les discours des associations politiques. Une définition dont le périmètre, dès les origines, est flou et ne permet pas d’identifier immédiatement les activités et les actions concernées, si ce n’est qu’il s’agit d’influence.[15]
L’advocacy a d’abord pris ses racines à l’heure de la conquête des Civill Rights aux États-Unis. Mais surtout, les États-Unis n’ont pas de « monopole étatique de l’expertise »[16] — là où en France, les analyses et la production de données sur les politiques publiques sont le fruit d’une expertise plurielle et conjointe de l’INSEE et des groupes d’intérêts.[17]
Cette différence peut expliquer en partie l’internationalisation du plaidoyer tout au long des années 1960 à 1990. Dans les années 1990, le terme de plaidoyer trouve peu à peu sa place dans le discours des organisations non-gouvernementales (ONG) agissant à un niveau international — notamment en matière de protection et de développement des droits de l’Homme. Or, l’espace politique et public international n’est pas centralisé administrativement. La décentralisation de l’information est propice à générer un appel d’air permettant aux activités de plaidoyer de se positionner, ce qui se matérialise par la proximité géographique entre les sièges des grandes organisations internationales (OI), des ONG et des groupes d’intérêts économiques.[18]
Reconnues dans le débat public international, les ONG ont peu à peu étendu leurs activités de plaidoyer dans les États. Ce phénomène permet aux ONG de disposer d’un réseau international à double niveau : international car positionné près des organisations internationales, mais également national car implanté dans de nombreux pays à travers le monde. Ce faisant, nous observons une transnationalisation des activités de plaidoyer — à tout le moins concernant des ONG majeures telles que Transparency International ou WWF. Au niveau européen, échelle intermédiaire singulière entre l’État et la communauté internationale, les associations et les ONG ont à leur tour trouvé une place particulière auprès de l’Union européenne. « Perçue comme trop technocratique et distante des citoyens »,[19] la Commission européenne a manifesté un intérêt croissant pour la société civile incarnée notamment par les associations et les ONG.
C’est dans ce contexte que les termes plaidoyer, plaideur, ou advocacy apparaissent en France dans les années 2000, non sans dissensus.[20] Désormais, le plaidoyer se caractérise par un double mouvement conduisant à la division du travail militant au cœur de l’identité des ONG environnementales. Un mouvement de professionnalisation du militantisme (ou de transformation professionnelle des activités militantes) participe à l’extension d’un groupe dite des « plaideurs », d’une part. Tandis qu’au sein de ce groupe, s’opère un mouvement de spécialisation parmi les plaideurs dans des domaines techniques et précis (pour ne pas dire des expertises « de niche »),[21] d’autre part.
3. — Lobbying & plaidoyer : une rencontre protéiforme non-exclusive
Issues de deux trajectoires historiques bien différentes, le lobbying et le plaidoyer (parfois appelé « porte-parolat »[22]) se rencontrent particulièrement depuis les années 2000. Premièrement cette rencontre s’identifie chez les observateurs de l’éthique et de la probité de la vie publique.
C’est notamment le cas de Transparency International France. Si l’ONG avait reconnu le rôle positif du lobbying avant, elle publiait en 2019 un rapport « pour un meilleur encadrement du lobbying » coordonné par la responsable plaidoyer et vie publique :
« Lorsqu’il est conduit avec intégrité et que son usage est rendu clair et transparent, le lobbying peut jouer un rôle positif : il contribue à ce que les décideurs publics prennent leurs décisions en ayant pleinement conscience des analyses et opinions de toutes les composantes de la société. Ceux qui font la loi ont besoin d’échanger avec ceux qui la vivent au quotidien. » [23]
La rencontre entre le plaideur et le lobbyiste est, dans ce cas particulier, aussi indirecte qu’asymétrique :
- indirecte car un plaideur va consacrer un rapport au lobbying — le premier analysant les pratiques du second afin de formuler des propositions régulatrices aux décideurs publics ;
- asymétrique car un plaideur est un observateur tandis que les lobbyistes et les autres plaideurs sont des observés — sans avoir la certitude que ces observés aient pleinement conscience, avant la publication du rapport, de leur statut et de leur posture d’observés.
Il est également possible d’observer l’interaction entre les plaideurs et les lobbyistes au sein du champs des associations environnementales. Nous pouvons citer l’exemple des Amis de la Terre avec trois observations pour étayer notre propos en matière de lobbying environnemental.
Une première observation porte sur le rapport des Amis de la Terre intitulé « Lobbying : épidémie cachée ».[24] Le rapport, publié dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19, s’intéresse aux mesures relatives aux aides publiques et au « report, la suspension, l’allègement ou la suppression de régulations sociales et environnementales », accusant dès lors les entreprises de capter les aides publiques sans s‘engager dans des transitions sociales et environnementales, et de détricoter les lois précédemment adoptées au nom de la survie économique. Plus particulièrement, l’association s’intéresse à ce que nous appelons « la captation d’une policy window »[25]tout à fait inattendue par les « industriels et les porte-voix du secteur privé ».[26] La deuxième observation porte sur l’appellation des activités de mobilisation et d’information du grand public et des décideurs publics sous le terme de « campagne ».[27] Enfin, notre troisième observation porte sur un phénomène bien plus récent, du recours ouvert par une association environnementale à un cabinet de conseil, spécialisé sur « les projets qui ont un impact positif pour l’environnement ou la société et œuvrons pour rendre le lobbying responsable et ouvert. » Considérant que « chargé de campagne » et « chargé de plaidoyer » s’équivalent dans l’ensemble, l’exemple des Amis de la Terre constitue une illustration de la complexité des interactions qui animent la relation entre les plaideurs et les lobbyistes, le pôle ONG et les milieux d’affaires, les in-house (fonctions de lobbying et de plaidoyer internalisées) et les consultants.
Ces deux exemples (Transparency et les Amis de la Terre) montrent que les acteurs « lobbyiste » et « plaideur » sont en interaction. Plus encore, il s’agit d’une interaction protéiforme où la relation plaideur-lobbyiste peut être celle « observateur-observé » (rapport de Transparency), celle de concurrents (adversaires ou non, dans le cadre des auditions parlementaires et des rendez-vous techniques au sein de l’administration par exemple) ou celles de coopérateurs (notamment la relation « conseil-annonceur » ou dans celle d’une « coalition »). Enfin, précisons que ces formats interactifs sont également non-exclusifs : les plaideurs des Amis de la Terre agissent ainsi en interaction avec les lobbyistes tant dans une relation observateur-observé (rapport précité), concurrents (rapports législatifs et notes de positionnement) et conseil-annonceur.[28]
En matière environnementale, la succession des Sommets de la Terre[29] va recevoir un écho croissant en France. L’un des grands moments symboliques est le discours du Président Jacques Chirac, « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».[30] Suivra le Grenelle de l’Environnement en 2007, point de départ d’une inflation législative en matière de droit de l’environnement : lois Grenelle I et II,[31] « pour la transition énergétique et la croissance verte » (LTECV),[32] « pour la reconquête de la biodiversité »,[33] « relative à l’énergie et au climat »,[34] « relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire »,[35] ou encore, plus récemment, dite « Climat & Résilience ».
Cet engouement n’est pas seulement français. En effet, l’environnement constitue un domaine-clef d’action de l’Union européenne[36] dont les directives et les règlements encadrent les émissions de gaz à effet de serre, l’interdiction de certains produits en plastique à usage unique, ou encore en promouvant la « taxonomie » pour une finance verte ; un ensemble catalysé, selon toute vraisemblance par la signature en 2015 du premier accord universel pour le climat (approuvé à l’unanimité des délégations de la COP21 de la Climate Change Conference) dit « Accord de Paris ».
Le droit de l’environnement a un impact majeur sur la licence-to-operate[37] de tous les secteurs (primaire, secondaire et tertiaire). De leur côté, les ONG environnementales sont nombreuses et suffisamment organisées pour contribuer à la fabrique de la norme. C’est pourquoi nous postulons que les années 2010-2020 constituent un point de rencontre particulièrement fort entre lobbyistes et plaideurs, matérialisé par l’implication croissante des uns et des autres — en opposition comme en coalition — qui nécessite la prise en compte de la stratégie des plaideurs par les lobbyistes et inversement.
B. — Le rôle du constructivisme dans la définition de soi et d’autrui
La définition et la construction de soi et d’autrui a nécessairement un impact sur les rôles et les missions que se donne chacun sur le terrain du lobbying et du plaidoyer. Elles donnent ainsi l’occasion de distinguer l’intérêt général des intérêts particuliers (1) pour mieux comprendre le sentiment d’appartenance à l’organisation (2) ainsi que la conception et l’éthique que le représentant d’intérêt se fait de son métier (3), pour enfin mieux comprendre la « vision kaléidoscopique » des conceptions collectives et individuelles des métiers (4).
1. — Le périlleux exercice de délimitation de l’intérêt général et des intérêts particuliers
Pour le sociologue allemand Max Weber, la représentation est un travail quotidien, une relation sociale où chacun arrive avec des idées différentes, qui anime une communauté dont le représentant tente par sa « propagande » de conserver les membres originels tout en ralliant de nouveaux soutiens.[38] La vision sociologique de Weber raisonne encore aujourd’hui avec la conception que l’on se fait du représentant d’intérêts actif sur les sujets environnementaux, à la croisée des chemins entre plaideur et lobbyiste. Mieux, la terminologie du sociologue du XIXe siècle trouvera une forme de concrétisation dans les termes du législateur du XXIe siècle : en qualifiant lobbyistes et plaideurs (lobbying et advocacy) de « représentant d’intérêts », la loi Sapin II a non seulement ignoré des expressions courantes mais, qui plus est, a recouru à un concept apparu il y a deux siècles.[39]
Un grand nombre d’institutions s’accordent à reconnaître les vertus du « lobbying », mais la question qui se pose pour chacun est de reconnaître sa place dans la représentation d’intérêts et son rôle par rapport à l’intérêt particulier ou l’intérêt général. Autrement dit, le représentant d’intérêts, qu’il se dise plaideur ou lobbyiste, défendant les intérêts de son organisation, défend-il les intérêts spécifiques de son organisation (tels que la préservation de sa licence-to-operate) ou bien des intérêts captés (Alberto Alemanno parle de tentative de captation des ONG par les entreprises)[40] voire confisqués (Guillaume Courty parle ainsi de tentative de confiscation de « l’intérêt général » par le pôle ONG)[41] par son organisation (aussi appelés « causes ») ? Comment définir son rôle de représentant d’intérêts, dans la société au sens général, en fonction de l’organisation que l’on représente ? Comment définir l’intérêt particulier ? Comment le distinguer de l’intérêt général et où cette conception commence-t-elle ?
Autant de questions qui montrent la complexité des frontières de la représentation d’intérêts. Les débats de la loi Sapin II illustraient bien ces visions différentes de l’intérêt général, notamment pour la capacité des associations à capter[42] l’intérêt général contre les milieux d’affaires[43] réputés n’incarner que des intérêts catégoriels, corporatistes. Là encore resurgit le réflexe de rejet, exposé précédemment et qui avait conduit — jusqu’à la promulgation de la loi Waldeck-Rousseau en 1884 — à nier l’existence d’associations « d’intérêts »[44] non commerciales, c’est-à-dire non lucratives.
D’autant plus que chaque acteur est différent, tant du fait de son mode de financement que par son statut ou son champ d’intervention. Une association environnementale financée par des fonds privés défend-elle des intérêts particuliers ou une portion d’intérêt général ? Une entreprise privée financée partiellement par des fonds publics défend-elle les intérêts du domaine public, l’intérêt public d’un bien commun ou une matérialisation de l’intérêt général ? Partant, est-il possible à une entreprise privée d’œuvrer pour l’intérêt général ?
Difficile de définir le spectre et le champ d’application des activités des représentants d’intérêts tant ils recouvrent des réalités différentes, dépendant autant de l’incarnation (présentation de soi) que de la perception (conception par autrui) de ce(s) métier(s). Le critère financier est théoriquement lisible mais peu opératoire, tout comme le critère de l’intérêt général et de l’intérêt particulier. A quel moment pouvons-nous définir les frontières de l’intérêt général et celles de l’intérêt particulier ?
Prenons quelques instants pour revenir sur la notion d’intérêt général, véritable concept de philosophie politique, de sociologie et de droit. Il est intéressant de lire la professeure Élisabeth Zoller :
« Aucune notion n’est plus importante pour comprendre le statut de la loi dans le modèle républicain français que celle de généralité. »[45]
Elle renvoie alors à la définition de la loi que donne Portalis[46] dans son Discours préliminaire au premier projet de Code civil (An VIII) :
« La loi statue sur tous : elle considère les hommes en masse, jamais comme des particuliers. »
Poursuivant sa réflexion, Portalis distingue le « jurisconsulte » (c’est-à-dire les juristes, magistrats et experts du droit) du « législateur » (c’est-à-dire celui qui fabrique le droit). Il promeut même l’existence d’une science du législateur distincte d’une science du jurisconsulte, dont le fondement « [consisterait] à trouver dans chaque matière les principes les plus favorables au bien commun ». Plus encore, il estime que le législateur n’a pas à connaître des détails qui relèvent davantage de la science des jurisconsultes (sorte d’application au domaine législatif de la maxime De minimis non curat praetor[47]). Cela étant, cette analyse de la généralité (de la loi et de l’intérêt) ne permet pas de dégager une acception tangible et univoque de la précieuse notion d’intérêt général.
Une autre piste est celle explorée par Raymond Carré de Malberg. Dans sa Contribution à la théorie générale de l’État (1920), le constitutionnaliste s’écarte de la notion d’intérêt général. Plus encore, il remet en question la domination souveraine de l’État sur les citoyens et développe la théorie de la puissance publique[48].
Cette théorie distingue deux états de l’État : l’état de domination et de l’état de collaboration :
Cet extrait nous inspire deux remarques. La première est la substitution des concepts d’intérêt national et de buts communs aux concepts respectifs d’intérêt général et de volonté générale. La seconde est l’idée que le droit puisse se former, non pas d’après l’exercice d’une prérogative souveraine de domination de l’État sur les citoyens, mais dans la collaboration, régulée et permise par l’exercice de la puissance publique elle-même fruit de cette collaboration entre l’État et la communauté politique.
Quoiqu’il en soit, le propos de Carré de Malberg nous invite à dépasser le cadre traditionnel d’un intérêt général abscons (lequel existerait de façon autonome et serait par essence supérieur aux intérêts particuliers) pour appréhender le rôle de l’État dans un cadre plus large des exigences vitales de l’intérêt national. Si le professeur de droit ne résout pas la question de « l’intérêt général », il a le mérite de positionner la discussion sous un nouveau jour, admettant l’existence d’intérêts individuels qui ne sont pas distincts ab initio de l’intérêt national.
Plus concrètement et proche de nous, le débat sous le quinquennat Hollande entre le ministère de l’environnement et celui de l’économie, du redressement productif et du numérique sur la compensation carbone des entreprises en France est un exemple illustrant le périlleux exercice de délimitation du champ des intérêts particuliers et de celui de l’intérêt général pour les décideurs publics et les représentants d’intérêts. Le ministère de l’environnement exigeant que ces financements soient fléchés directement vers les politiques environnementales ; le ministère de l’économie, du redressement productif et du numérique penchant pour des financements permettant de compenser la désindustrialisation de la France.
Un autre exemple pourrait être celui de l’agriculture biologique et notamment « la bio », portant une vision biologique sur la place de l’humain, de sa consommation responsable et de son empreinte sur la planète, certaines fois critiquée pour l’importance des émissions de gaz à effet de serre en comparaison à une agriculture conventionnelle[52], mais dont a été démontré que les effets sur l’environnement et la santé sur le long terme sont plus que bénéfiques pour les individus[53]. En plein débat pour un étiquetage environnemental des produits dans le projet de loi Climat et Résilience actuellement en discussion, la question se pose donc des intérêts des parties-prenantes : comment « jauger » l’intérêt général ?
Pour mieux dire, comment mettre en balance les effets environnementaux et les effets sanitaires tout en démêlant l’intérêt économique de court terme et l’intérêt environnemental à plus long terme des représentant d’intérêts ? La notion de représentant d’intérêts, et son incarnation,[54] ne dépendent alors pas davantage de leurs actes et de leurs objectifs, que de leurs objets et de la nature de leur structure.
2. — La définition du soi et l’appartenance à une organisation
Sur les thématiques environnementales, que le représentant d’intérêts travaille pour une structure privée à but lucratif, un syndicat, une association ou tout autre structure en lien avec ces enjeux, il cherchera à faire entendre la voix de son organisation pour défendre ses intérêts, avec une vision subjective de la nature des intérêts qu’il défend et de la représentation, liée tant à son parcours qu’à la nature de son organisation.
Les affaires publiques sont en pleine mutation, d’autant plus lorsqu’elles portent sur des sujets environnementaux. Cette mutation est de deux ordres : les nouvelles générations de professionnels des affaires publiques sont de plus en plus souvent issues de formations universitaires spécialisées, d’une part ; en outre, la densité des débats environnementaux au cours des quinze dernières années a amené l’ensemble des acteurs, qu’ils soient spécialisés sur les enjeux environnementaux ou non, à se positionner et à intégrer l’écologie dans leur discours, d’autre part. C’est pourquoi, la vision de la représentation d’intérêts est elle-même mouvante.
En effet, les affaires publiques exigent aujourd’hui une ouverture des organisations privées au débat public[55], et une professionnalisation des actions de représentation d’intérêts des associations environnementales. Dès lors, les frontières entre « lobbying » et « plaidoyer » sont poreuses, sujettes à discussion, et rendent difficile une distinction claire entre le lobbying et le plaidoyer environnementaux.
Pour Gaëtan de Royer Dupré, président du cabinet de conseils en affaires publiques, plaidoyer et concertation Koz [56]:
« Les entreprises ont une responsabilité politique, un impact fort sur l’environnement et la vie des citoyens ; elles ont un rôle politique fort à jouer »[57].
Ce qui, selon le même interlocuteur, légitime le fait que :
« le lobbying ne puisse se faire entre soi […], qu’il faille s’adresser à la société civile, utiliser la communication, faire de la pédagogie grands publics »[58].
Autrement dit, il est nécessaire que les acteurs et les organisations entrent directement et publiquement « dans l’arène » et participent activement et franchement au débat public et politique.
3. — La définition du soi, l’éthique et la conception du métier
Sur les sujets environnementaux, le représentant d’intérêt travaille au carrefour du social, du scientifique, du technique, du politique, de l’économique et du juridique ; il est donc amené à aiguiser un « couteau suisse » au service des convictions qu’il doit représenter. La question se pose de savoir à quel moment distinguer les intérêts de l’organisation de ceux du représentant ?
L’idée que la valeur ajoutée du représentant d’intérêts, repose uniquement sur son carnet d’adresses, ne permet pas aujourd’hui de se définir lobbyiste ou plaideur. L’action repose aujourd’hui sur la démarche de veille, d’anticipation, de propositions et d’argumentaires structurés, et de la conception que l’on se fait du métier et de son métier.[59]
Rien n’empêche dès lors un représentant d’intérêt travaillant pour une entreprise privée à but lucratif de faire du plaidoyer ou à une association environnementale à but non lucratif de faire du lobbying. Chacun, du fait de sa définition, son usage, la temporalité de ses actions, les stratégies d’alliances, d’actions et son expertise saura conjuguer les deux notions que la sémantique cherche à confronter mais que des usages font converger. Comme le souligne un directeur des affaires publiques d’une fédération française, anciennement collaborateur parlementaire au Parlement européen et directeur des affaires publiques d’une fédération européenne :
« La question qu’il faut se poser est « qui tu es, qui tu représentes ? » […] quand tu es lobbyiste, tout comme quand tu es collaborateur parlementaire, tu ne prétends pas être d’accord avec ce que tu (re)présentes »[60]
La conception du métier entre l’influence et la conviction est également importante, pour Gaëtan de Royer Dupré, président du cabinet de conseils en affaires publiques, plaidoyer et concertation Koz [61], « l’objectif majeur de la représentation d’intérêts aujourd’hui est de convaincre et non plus influencer ».
Pour conclure, ce qui semble compter, « c’est avant tout la mission, la cause et la raison d’être de l’action »[62] qui permettra à tout un chacun de définir son identité et son métier au sein de la grande famille professionnelle des affaires publiques. Ces éléments justifient le fait que dans ce réseau des métiers affaires publiques, comptant 110 intitulés en France selon Guillaume Courty[63] :
« Une même personne peut être stratège dans la définition de son poste et de ses missions en fonction de ses interlocuteurs tant dans l’usage des termes qu’elle utilise que pour définir son étiquette ».[64]
4. — Première proposition de kaléidoscope, à la croisée des variables de la représentation d’intérêts
Nous pouvons proposer à ce stade de notre analyse une première proposition de kaléidoscope pour illustrer les différences et similitudes du plaidoyer et du lobbying environnemental. Si l’axe des ordonnées permet de comprendre l’intensité de la distinction entre lobbying et plaidoyer, celui des abscisses permet de mesurer la tension entre intérêts économiques et intérêts sociétaux-environnementaux.
Par cette approche graphique, les cabinets de conseils en affaires publiques et les entreprises privées se retrouvent dans une zone plus proche du lobbying et des intérêts économiques, tandis que les syndicats, fédérations, organisations patronales et salariales ont un degré moins important de lobbying pour tendre un peu plus vers le plaidoyer. Les entreprises publiques ou assimilées publiques sont quant à elles sur le juste milieu des abscisses entre intérêts privés et intérêts sociétaux et environnementaux, avec un degré de lobbying situé entre celui du premier et du second groupe d’acteurs privés. Du côté des associations et ONG, elles se retrouvent à l’opposé, dans la zone du plaidoyer et des intérêts sociétaux et environnementaux.
C. — Représentant d’intérêts, ou la négation juridique d’une distinction entre « lobbying » et « plaidoyer »
Au sens strict, il n’existe pas de distinction juridique entre le « lobbying » et le « plaidoyer ». Toutes deux constituent des activités dissoutes dans la notion de « représentant d’intérêts ». Existant depuis la république, ce concept a trouvé une nouvelle exploitation juridique à la faveur de la loi dite Sapin II citée précédemment. Un concept qui, dans le cas présent de la loi Sapin II, embrasse toute entité organisée en vue d’influencer des acteurs[65] et des processus politiques dans un sens favorable aux intérêts qu’elle porte. Plus précisément, la définition légale du représentant d’intérêts, peut être rattachée à l’article 18-1 de la loi relative à transparence de la vie publique du 11 octobre 2013 :
« Sont des représentants d’intérêts, au sens de la présente section, les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de commerce et au titre II du code de l’artisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en communication […]. »[66]
Cela étant, nul critère substantiel en droit. Après la décision du Conseil constitutionnel, il faudra attendre la parution du décret d’application pour que soit posée franchement la question : « qu’est-ce qu’un représentant d’intérêt en droit ? » Cette question n’a, selon Guillaume Courty, pas été à l’ordre du jour lors des débats parlementaires sur la loi Sapin II :
« C’est un moment qui n’a pas eu lieu comme il n’y a pas eu de moment de définition substantielle du lobbying (qui intervient tardivement dans un alinéa du décret d’application). »[67]
Et à y regarder de plus près, le décret[68] ne dit rien de plus que « prendre dix fois contact avec un décideur par an » [69] ou bien ceux qui exercent une activité à titre principal[70] :
« Il n’y a pas d’autres éléments substantiels ni une forme de certification pour faire la part entre les vrais et les faux ; ni de « légitimité à » avec une position dans l’organisation qui permet d’être « représentant » c’est-à-dire être habilité à parler « au nom de » en se distinguant personnellement de ceux que l’on représente. »[71]
De facto, une organisation qui emploie ou recourt à un représentant d’intérêts peut prendre des formes diverses : fédération, union, confédération, comité, association, chambre syndicale, organisation syndicale, syndicat professionnel, groupement national, laboratoire d’idées (think tanks), entreprise lucrative ou non, association, ONG, groupement d’intérêt économique (GIE) ou public (GIP), fondation, ou encore établissement public.[72] Une approche bien différente de la définition britannique. Au Royaume-Uni, le premier critère de définition est celui de l’« activité commerciale régulière ».[73]
Pour autant, considérant que les associations (et par extension les organisations à but non lucratif ou dont l’objet principal n’est pas l’exercice d’une activité commerciale) sont nombreuses à avoir des activités commerciales, il serait intéressant d’étudier plus avant l’impact de ce critère « commercial » sur la réelle exclusion des structures non lucratives ou associatives du champ juridique des « représentants d’intérêts » britanniques. En outre, faute d’une dénomination professionnelle réglementée, les personnes physiques représentant des intérêts dénomment leur profession ou leur fonction de façon tout aussi riche avec une répartition des intitulés très variable :
Tableau 2. Exemples de formulation des intitulés de poste en affaires publiques (lobbying ou plaidoyer)
Type d’organisation | Organisation | Intitulé de poste |
ONG | Digital For The Planet | Responsable affaires publiques |
ONG | Zero Waste France | Responsable du plaidoyer |
ONG | Amis de la Terre | Chargée de campagne |
Grande entreprise | Danone | Public Affairs Manager |
Grande entreprise | Nestlé Waters | Directeur des affaires publiques |
Grande entreprise | Total Renewables | Responsable relations institutionnelles et advocacy[74] |
Cabinet de conseil[75] | Majorité des cabinets et agences à Paris | Consultant-e en affaires publiques / en relations ou communication institutionnelle(s) |
Cabinet d’avocat | Samman | Avocat-e-s et consultant-e-s Directeur des affaires publiques Directrice des affaires européennes |
Force est de constater que les désignations sont extrêmement variées et que certains intitulés sont le fruit d’une imagination certaine (du management ou du titulaire du poste). Quoiqu’il en soit, la qualification juridique est belle et bien sans équivoque. Lobbyistes ou plaideurs, tous sont tenus de déclarer leurs activités sur le répertoire de la HATVP dès lors qu’ils atteignent le seuil déclaratoire. Ce n’est donc pas la juridicité que nous souhaitons interroger mais plutôt la dualité qui existe au sein du champ des professionnels des affaires publiques (lobbyistes comme plaideurs).
Il est toutefois nécessaire de préciser à ce stade que certaines activités représentant des intérêts spécifiques sont exclues du champ de la « représentation d’intérêts » au sens de la loi Sapin II telles que les syndicats salariés et les organisations d’employeurs en tant que partenaires sociaux (bien que nombre d’entre elles déclarent des activités sur le répertoire de la HATVP), les associations d’élus et de collectivités territoriales (comme l’AMF ou Régions de France) ou encore les associations cultuelles.[76] Il est important de noter ici que la représentation d’intérêts couvre un périmètre de structures très variable.
En revanche, les exceptions françaises au champ de compétences de la HATVP citées sont concernées par les préconisations du registre européen de transparence[77]. A l’inverse, au Québec, la loi dédiée à l’éthique du « lobbyisme »[78] écarte les associations et les ONG du champ d’application du registre de transparence.[79]Nous tenons également à préciser qu’à Bruxelles comme à Paris, les activités menées auprès des juridictions suprêmes (telles que le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État, la Cour de cassation ou encore la Cour de Justice de l’Union européenne) ne sont pas prises en compte par les registres de transparence français et européen. Nous souhaitions insister sur ce point pour deux raisons. La pratique des « portes étroites »[80] a longtemps posé question. Cette pratique a valu de nombreuses critiques au Conseil constitutionnel, accusé d’opacité. Depuis 2017, par décision de son président Laurent Fabius[81] (assimilés par certaines aux amicus curiæ[82] anglo-saxons) les contributions sont publiées après que les Sages ont rendu leur décision.
L’essentiel de… « La naissance du lobbying et du plaidoyer »
L’absence d’une distinction juridique formelle entre les activités « lobbying » et « plaidoyer » n’emporte pas l’absence absolue de différences. Différences qui peuvent in fine constituer des leviers de rapprochement :
> L’identification de critères objectifs de différenciation ne permet pas d’élever une digue infranchissable. Qu’il s’agisse de lobbying ou d’advocacy, il existe un facteur commun d’apparition : le contexte démocratique. Caractérisée par le pluralisme des intérêts et des opinions dont l’expression est libre,[83] la démocratie apparaît comme le berceau naturel (oserions-nous dire « exclusif ») de la représentation d’intérêts dans le débat public comme auprès des pouvoirs publics.
> Le concept d’« intérêts » (qualifié de général ou de particuliers) est un autre point de rapprochement entre le lobbying et le plaidoyer. Non parce que les acteurs en partagent les mêmes acceptions mais parce que le débat général/particuliers (ou encore « bien commun » vs. « intérêts privés ») est au cœur de la définition de soi et de la définition d’autrui.
> En outre, nous constatons que la professionnalisation des métiers des affaires publiques contribue largement à rapprocher le lobbying et le plaidoyer. Cela étant, l’étude sociographique (cf. infra) sera particulièrement utile pour confirmer ou infirmer cette hypothèse complémentaire que nous formulons en conclusion de cette première partie.
> Enfin, nous pouvons raisonnablement affirmer que le lobbying et le plaidoyer sont complémentaires — admettant donc que le lobbying et le plaidoyer, sans s’opposer, sont distincts. Plus encore, cette complémentarité peut même s’imposer comme une condition d’impact des acteurs (plaideurs comme lobbyistes) sur le débat public comme sur la décision publique.
[1] A. Hamilton, J. Madison et J. Gay, The Federalist Papers (Le fédéraliste, Collections de quelques Écrits en faveur de la Constitution proposée aux États-Unis d’Amérique par la convention convoquée en 1787), Buisson, Paris, 1792, 511 p. (originale). Pour la présente traduction, v. l’édition, V. Giard et Brière, Paris, 1902 (numérisé en 2011). Source : https://archive.org/details/lefdralistec00hami
[2] A. Hamilton, J. Madison et J. Gay, op. cit.
[3] Il convient de rappeler que le terme « gouvernement » en contexte américain renvoie aux trois branches du pouvoir, exécutif, législatif et judiciaire — contrairement à la notion française qui désigne le seul pouvoir exécutif.
[4] J.-F. Kerléo, « L’État face au lobbying : la redéfinition des fondements de notre ordre juridique », Le Lobbying, LGDJ, Paris, 2020, 424 p.
[5] Créée en 1991, l’AFCL « regroupe aujourd’hui les principaux cabinets ou entreprises de conseil en affaires publiques français. L’AFCL rassemble aujourd’hui 55 professionnels issus de 39 entreprises autour d’une charte de déontologie qui fut l’une des toutes premières en Europe. » Source : http://www.afcl.net/presentation-de-lafcl/introduction/
[6] J.-F. Kerléo, op. cit.
[7] Confer infra, « La négation d’une distinction juridique entre « lobbying » et « plaidoyer » »
[8] Podcast Amicus Radio « Idée reçue #25 : Les lobbies dirigent l’Europe », 4 novembre 2020 ; consultable via ce lien
[9] M. Clamen, « Lobbying : de l’histoire au métier » in Géoéconomie, Choiseul, 2014, n° 72, pages 165 à 182
[10] Nous distinguerons ici les activités régulées des professions réglementées. Ces dernières sont organisées au sein d’un ordre professionnel, qui définit les conditions d’accès à la profession et veille à la probité des membres de l’ordre qui doivent respecter une déontologie définie par les pairs. Pour sa part, une activité régulée s’exerce dans un cadre plus souple, bénéficiant d’un encadrement réglementaire particulier.
[11] La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Loi Sapin 2 ».
[12] Accord entre le Parlement européen et la Commission européenne sur le registre de transparence pour les organisations et les personnes agissant en qualité d’indépendants qui participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne, Journal Officiel 277 du 19 septembre 2014. A noter qu’une nouvelle réforme de l’accord inter institutionnel est intervenue en décembre 2020 , les termes exacts n’étaient pas encore rendus publics en juin 2021. Désormais, un nouveau secrétariat commun Commission – Parlement – Conseil est appelé à s’établir sur ce sujet.
[15] É. Ollion & J. Siméant, « Le plaidoyer : internationales et usages locaux » in Critique internationale, Presses de Sciences Po., 2015, n° 67, p. 9 à 15
[16] D. Béland & J.-P. Viriot Durandal, « L’expertise comme pouvoir : le cas des organisations de retraités face ayx politiques publiques en France et aux États-Unis » in Lien social et Politiques, 2003, n° 50, p. 105 à 123
[17] Exemple avec la création l’Institut national de la statistique et des études économiques pour la métropole et la France d’outre-mer (INSEE) par la loi de finances du 27 avril 1946
[18] É. Ollion & J. Siméant, op. cit.
[19] É. Ollion & J. Siméant, op. cit.
[20] É. Ollion & J. Siméant, op. cit.
[21] Cf. infra, III. C.
[22] Entretien le jeudi 25 février 2021 avec Matthieu Orphelin, député NI du Maine-et-Loire (depuis 2017), ancien porte-parole de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) de 2012 à 2015. Toutefois Guillaume Courty précise que cette acception est tronquée. Le porte-parolat renvoie à des fonctions de représentation qui concernent aussi bien l’histoire syndicale qu’associative, patronale, qu’ouvrière. Il s’agit donc d’un terme qui renvoie à la très longue durée.
[23] Rapport de Transparency International France, « Le lobbying doit encore être mieux encadré pour rester au cœur de la démocratie sans la menacer », coordonné par E. Foucraut, 2019
[24] Rapport des Amis de la Terre et de l’Observatoire des Multinationales, « Lobbying : épidémie cachée », rédigé par O. Petijean avec la contribution de J. Renaud, juin 2020
[25] Ou « fenêtre d’opportunité », concept de science politique forgé par J. W. Kingdon en 1984 (pour plus d’informations, v. L. Boussaguet, S. Jacquot et P. Ravinet (sous la dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Presses de Sciences Po. (5e éd.), coll. « Références », 2019)
[26] Rapport « Lobbying : épidémie cachée », op. cit.
[27] Les Amis de la Terre ont ainsi été représentés par sa chargée de campagne extraction et surconsommation lors de son audition au Sénat par la rapporteure Marte de Cidrac dans le cadre du projet de loi « économie circulaire ».
[28] Entretien le 31 mars 2021 avec Jordan Allouche, fondateur d’Ecolobby, cabinet de conseil en affaires publiques fondé en 2021 et spécialisé dans l’accompagnement des acteurs associatifs de l’environnement.
[29] Stockholm, 1972 ; Nairobi, 1982 ; Rio, 1992 ; Johannesburg, 2002 ; Rio+20, 2012.
[30] Jacques Chirac, discours au IVe Sommet de la Terre, Johannesburg, 2 septembre 2002
[31] Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 dite « Grenelle I » et loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite « loi ENE » ou « Grenelle II »
[32] Loi n° 2015-992 du 17 août 2015
[33] Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016
[34] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019
[35] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020
[36] Compétence partagée avec les Etats membres en application de l’article 4 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne
[37] Loin de signifier seulement un ”permis d’exploitation”, cette expression englobe l’ensemble des conditions politiques, législatives et réglementaires qui rendent possibles l’exercice économiquement rentable de telle ou telle activité.
[38] WEBER M. , Economie et société, Plon, coll. « Agora », 1971,vol.2, p.61.
[39] Entretien du 13 avril 2021 avec Guillaume Courty, professeur des universités en science politique à l’université de Lille, chercheur au CNRS et spécialiste des groupes d’intérêts.
[40] Entretien du 8 mars 2021 avec Alberto Alemanno, Professeur titulaire de la Chaire Jean Monnet en droit européen à HEC Paris et fondateur de « The Good Lobby »
[41] Entretien du 13 avril 2021 avec Guillaume Courty, op. cit.
[42] Entretien du 13 avril 2021 avec Guillaume Courty, op. cit.
[43] Entretien du 13 avril 2021 avec Guillaume Courty, op. cit.
[44] Double sens, de l’intérêt intellectuel commun pour une cause (non-business) ou un sujet donné et de l’intérêt économique commun.
[45] É. Zoller, Introduction au droit public, Dalloz (2e éd), coll. « Précis Droit public », Paris, 2013, p. 199
[46] Juriste et homme d’État du XVIIIe siècle, il est l’un des grands artisans de la pensée juridique contemporaine et inspire aujourd’hui encore de nombreux étudiants et les praticiens du droit, dont les cours regorgent de référence à Jean-Étienne-Marie Portalis.
[47] Que nous pourrions traduire imparfaitement par « Le prêteur [magistrat] ne se préoccupe pas des détails. »
[48] Cette notion est d’autant plus importante que la « puissance publique » constitue l’un des critères d’identification de ce qui relève du service public, qu’il soit administration (SPA) ou industriel et commercial (SPIC) d’après la distinction initiée par la décision du tribunal des conflits dite « Bac d’Eloka » (1920) et l’arrêt du Conseil d’État « Société générale d’armement » (1921).
[49] Domination
[50] Collaboration
[51] R. Carré de Malberg, « Avant-propos », Contribution à la théorie générale de l’État, 1920, Sirey, rééd. Juin 1985, CNRS. Consulté dans Les grands discours de la culture juridique, op. cit., p.923
[52] M. CLARK D. TILMAN. Comparative analysis of environmental impacts of agricultural production systems, agricultural input efficiency, and food choice; Environmental Research Letters, Volume 12, Number 6; 2017.
[53] C. CEDERBERG. – N. VAN DER WERF.H « L’agriculture biologique peut être meilleure pour l’environnement », Le Monde, tribune publiée le 21 février 2020, accessible via ce lien
[54] Guillaume Courty précise à cet égard qu’il convient de bien distinguer, dans l’incarnation, ce qui relève de la présentation de soi, d’une part, et ce qui relève des propos et des discours que l’on tient, d’autre part.
[55] A titre d’exemple, l’étude CEDAP- KOZ avec Polling Vox de Mai 2018 estime que 60% des organisations professionnelles sont prêtes à co-construire leurs positions avec la société civile ; étude accessible via ce lien
[56] Entretien du 9 avril 2021 avec Gaëtan de Royer Dupré, président du cabinet de conseils en affaires publiques, plaidoyer et concertation Koz
[57] Entretien du 9 avril 2021, op. cit.
[58] Entretien du 9 avril 2021, op. cit.
[59] Lors de notre entretien du 12 avril 2021, Guillaume Courty soulignait qu’une même personne se présente soi-même différemment sur LinkedIn, sur sa carte de visite et sur son C.V. et plus encore à l’oral (particulièrement selon le degré de mondanité du contexte).
[60] Entretien du 18 mars 2021 avec le directeur des affaires publiques d’une fédération française, anciennement collaborateur parlementaire au Parlement européen et directeur des affaires publiques d’une fédération européenne
[61] Entretien du 9 avril 2021 avec Gaëtan de Royer Dupré, président du cabinet de conseils en affaires publiques, plaidoyer et concertation Koz
[62] Entretien avec M XX responsable développement durable et affaires institutionnelles ; passée par l’Assemblée nationale, 16 mars 2021
[63] Entretien du 13 avril 2021 avec Guillaume Courty, professeur des universités en science politique à l’université de Lille, chercheur au CNRS et spécialiste des groupes d’intérêts.
[64] Entretien du 13 avril 2021 avec Guillaume Courty, op. cit.
[65] En nous référant aux travaux de Guillaume Courty (notamment dans Le Lobbying paru en 2020), Il est à préciser que la « représentation d’intérêts », au-delà de cette définition juridique et légale, est aussi une représentation parallèle à et concurrente de la « représentation politique ».
[66] Article 25 de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016, op. cit.
[67] Entretien du 13 avril 2021 avec Guillaume Courty, op. cit.
[68] Il convient de rappeler que si ce décret est souvent accusé d’avoir vidé la loi de sa substance en restreignant le niveau de précision et le type de données à communiquer publiquement, c’est surtout le Conseil constitutionnel qui a encadré la portée de la loi. Ainsi, les Sages précisent dans leur décision 2016-741 DC que la transparence des rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics poursuit un but d’intérêt en regard duquel il s’agit de proportionner l’atteinte à la liberté d’entreprendre (laquelle fait partie des « droits et libertés que la Constitution garantit »).
[69] L’annexe du décret précise également les catégories d’« actions » à prendre en compte et le cas échéant à déclarer.
Ces actions sont ainsi : organiser des discussions informelles ou des réunions en tête-à-tête ; convenir pour un tiers d’une entrevue avec le titulaire d’une charge publique ; inviter ou organiser des évènements, des rencontres ou des activités promotionnelles ; établir une correspondance régulière (par courriel, par courrier…) ; envoyer des pétitions, lettres ouvertes, tracts ; organiser des débats publics, des marches, des stratégies d’influence sur internet ; organiser des auditions, des consultations formelles sur des actes législatifs ou d’autres consultations ouvertes ; transmettre des suggestions afin d’influencer la rédaction d’une décision publique ; transmettre aux décideurs publics des informations, expertises dans un objectif de conviction ; autres (à préciser).
Guillaume Courty insiste particulièrement sur l’intérêt de la dernière catégorie « autres ».
[70] Entendons à « plein temps » comme le souligne Marc Milet dans le cadre de sa lecture de cette étude.
[71] Entretien du 13 avril 2021 avec Guillaume Courty, op. cit.
[72] Nous pouvons citer l’exemple de l’Institut national de la consommation (INC), établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC, apparenté en droit européen à une entreprise publique) déclaré en nom propre ou encore Voies navigables de France (VNF) qui est depuis 2012 un établissement public à caractère administratif (EPA) par l’entremise de représentants d’intérêts tiers.
[73] En revanche la notion de régularité existe également en France, avec un seuil de déclenchement des obligations déclarations à dix actions par année civile ou comptable.
[74] Consulter l’offre d’emploi publiée sur LinkedIn : https://www.linkedin.com/jobs/view/total-renewables-responsable-relations-institutionnelles-et-advocacy-at-total-2383198597/?originalSubdomain=fr
[75] GUILLO F., étude sur « les représentants d’intérêts en cabinet de conseil en France », publiée le 24 septembre 2020, consultable via ce lien
[76] Ces exceptions sont loin de faire l’unanimité parmi les personnes rencontrées, que nos interlocuteurs soient chercheurs ou professionnels des affaires publiques. En outre, nous pouvons citer le cas particulier d’Amorce dont les adhérents comprennent des collectivités territoriales et des entreprises privées à but lucratif ce qui en fait à la fois une association d’élus et une association de personnes privées. V. la liste des adhérents sur le site www.amorce.asso.fr, consultée le 15 avril 2021 à 8h22 : https://amorce.asso.fr/nos-adherents/download
[77] Accord entre le Parlement européen et la Commission européenne sur le registre de transparence pour les organisations et les personnes agissant en qualité d’indépendants qui participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne, Journal Officiel 277 du 19 septembre 2014. A noter qu’une nouvelle réforme de l’accord inter institutionnel est intervenue en décembre 2020, les termes exacts n’étaient pas encore rendus publics en juin 2021.
[78] Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, à jour du 31 octobre 2020. Accessible en ligne sur le site Legisquebec / Publications Québec (document à valeur officielle) : http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/T-11.011
[79] « La loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme » prévoit la distinction entre lobbyiste-conseil, lobbyiste d’entreprise et lobbyiste d’organisation. Ce dernier correspond à « toute personne dont l’emploi ou la fonction consiste, pour une partie importante, à exercer des activités de lobbyisme pour le compte d’une association ou d’un autre groupement à but non lucratif constitué à des fins patronales, syndicales ou professionnelles ou dont les membres sont majoritairement des entreprises à but lucratif ou des représentants de telles entreprises. » V. la page « Définitions utiles » du site Internet officiel Registre des lobbyistes Québec. Consulté le 15 avril 2021 à 8h34. Accessible en ligne : https://www.lobby.gouv.qc.ca/servicespublic/informationnel/ToutSavoir/Definitions.aspx#LO
[80] Selon l’expression consacrée par le Doyen Vedel
[81] Communiqué du Conseil constitutionnel sur les « contributions extérieures » du 23 février 2017, accessible via ce lien
[82] « Amis de la Cour » : en contexte de Common Law, la jurisprudence joue un rôle structurant dans la définition des règles de droit, où le jugement constitutionnel est toujours réalisé a posteriori et in concreto, Dès lors, face à l’impact qu’une décision peut avoir sur la collectivité, la pratique des amicus curiæ s’est développée permettant aux tiers à un litige de plaider auprès du juge un avis extérieur sur la solution de droit idéale.
[83] Critères de définition de la démocratie de Robert Dahl, outre la celèbre maxime « free, fair and frequent elections ». Philippe Raynaud (professeur émérite en science politique, Université Panthéon-Assas Paris II) reprend les 5 critères de Robert Dahl : « participation politique effective, égalité dans le vote, compréhension éclairée des enjeux politiques, contrôle de « l’agenda » public par les citoyens, inclusion de tousles adultes dans le jeu politique. » V. Philippe REYNAUD, « De la polyarchie à la démocratie – On Democracy par Robert. A. Dahl » in Sociétal, n° 28, 2000, p. 106 et 107